Shining Force : la brillance du RPG tactique – Partie 1
Si je vous dis SEGA et Genesis, vous pensez probablement à Sonic. Pfff ! Hérésie ! Sonic, c’est pour les faibles. Moi, je pense à Shining Force II, un excellent tactical RPG (pensez à Final Fantasy Tactics ou Fire Emblem) et mon jeu préféré de la console.
Si vous n’êtes pas familier avec la série Shining, c’est qu’elle n’a malheureusement jamais vraiment reçue toute l’attention qui lui était due, surtout en dehors du Japon. Bien sûr, les joueurs plus aguerris connaissent très bien cette série culte, mais pour plusieurs le nom n’évoque pas grand chose. Corrigeons cette injustice !

Sonic! entre dans le donjon
Bon, bon, bon, je sais, je viens tout juste de rabaisser Sonic et je vous en reparle déjà dans mon titre. Remarquez cependant le point d’exclamation apposé au nom du personnage. Ce n’est pas une typo, si c’est ce que vous pensiez.
En 1990, SEGA regroupe une toute petite équipe sous la bannière SEGA CD4 (pour Consumer Development 4). Comme ce n’est pas très tape à l’œil, la division est vite renommée pour Sonic! Software Planning. Pour leur premier mandat et sur un budget extrêmement limité, Hiroyuki Takahashi, producteur et ancien employé de Climax Entertainment, frappe à la porte du studio et propose un partenariat pour le développement de leur jeu Genesis. C’est ainsi que naît le projet Shining in the Darkness.
Il ne s’agit pas du premier jeu de rôle de la console, mais la sélection était encore très mince. Il ne s’agit pas non plus du style de RPG japonais typique auquel on pense aujourd’hui, mais plutôt d’un dungeon crawler, de l’exploration de donjons à la première personne. Le jeu est très bien reçu par les critiques et les joueurs. On louange les graphismes, la musique et les innovations aux systèmes archaïques des jeux du genre, comme l’introduction d’icônes et du menu en croix (au lieu d’un menu textuel ennuyant) qui demeurera un incontournable des jeux subséquents.
Pionnier du genre sur console, l’impact du jeu est d’autant plus important en Europe, où les RPGs japonais n’ont pas encore vraiment fait leur apparition sur consoles de salon, à l’exception peut-être de la série Phantasy Star. Certes bien différent de ce qu’elle deviendra par la suite, la série Shining est née.
Le jeu n’a jamais connu de remake, mais est disponible sur XBOX 360 et PlayStation 3 via la compilation Sonic’s Ultimate Genesis Collection et sur la Virtual Console de la Wii.

Que la force soit avec vous
Malgré le succès de Shining in the Darkness, l’équipe Sonic! recevra encore une fois une très mince enveloppe pour le développement de la suite. Le jeu, nommé Shining Force : The Legacy of Great Intention, sera toujours développé avec l’aide de Climax Entertainment. Hiroyuki Takahashi veut cette fois-ci s’inspirer de Dragon Quest et de Silver Ghost, un obscur jeu de PC88, système jamais offert en dehors du Japon. Bien qu’au premier coup d’œil les graphismes de Silver Ghost rappellent effectivement vaguement Shining Force, le jeu de stratégie en temps réel n’a rien d’exceptionnel. On doit tenter d’y contrôler beaucoup plus d’un personnage à la fois et c’est fort probablement l’élément clé qui retiendra son attention. Ça et l’infernal lenteur des jeux de la série Fire Emblem, dont Takahashi a avoué n’avoir même jamais eu l’envie de jouer. Il voulait donc rectifier cette situation.
Le résultat est un sublime jeu de stratégie accessible et rapide, qui s’inscrira éventuellement dans le spectre du tactical RPG. C’est LE style qui définira la série Shining. On doit y contrôler 12 combattants à la fois sur un même champ de bataille. Puisque le jeu comporte beaucoup plus qu’une douzaine de personnages, dont certains optionnels et bien cachés, on doit judicieusement décider qui fera l’équipe et qui restera sur le banc. Cet aspect donne beaucoup de rejouabilité au titre.
On peut décider d’utiliser une combinaison de combattants complètement différente d’une partie à l’autre. Cela permet également d’avoir quelques surprises. Les statistiques de base ne sont parfois pas représentative du potentiel d’un héros. Par exemple, Arthur, un centaure très moyen lorsqu’on l’obtient, est le seul de tous les paladins du jeu à maîtriser la magie et ses limites d’attaques et de défense explosent lorsqu’il atteint les plus hauts niveaux.
Un autre aspect stratégique du jeu repose dans son système de promotion. Lorsqu’un personnage atteint le niveau 10, on peut choisir d’améliorer sa classe pour qu’il devienne beaucoup plus puissant. Par exemple, les chevaliers deviennent paladins, et les prêtres deviennent des clercs. Un personnage peut cependant obtenir jusqu’à 20 niveaux avant d’être promu. Il existe donc un avantage tactique à attendre au delà du dixième niveau pour effectuer la promotion, mais plus le personnage approche du niveau 20, moins les points d’expériences reçus seront importants. Il faut donc trouver le sweet spot qui nous convient le plus pour appliquer la promotion.
Malgré un changement de direction radical, le jeu ne renie pas ses origines. On sent effectivement grandement l’influence du premier succès, Shining in the Darkness. On reprend l’iconique menu en croix. La musique aborde des airs connus et les graphismes s’inscrivent dans le même créneau. Pas surprenant alors que tout ceci fait partie d’une même chronique. Shining Force se passe effectivement des décennies avant et met en scène des personnages dont le destin est intimement lié avec les protagonistes et antagonistes de Shining in the Darkness.
Un excellent remake sera offert sur Game Boy Advance en 2004. On y introduit une trame narrative parallèle qui permet d’en savoir plus sur l’un des personnages qui croisera éventuellement le chemin du héros. De plus, les joueurs plus habiles pourront débloquer des combats plus difficiles en complétant le jeu à maintes reprises.
Le jeu compte d’innombrables réapparitions sous sa forme originale. Tout comme Shining In The Darkness, on peut y jouer sur la compilation Sonic’s Ultimate Genesis Collection et sur la Wii Virtual Console, mais également sur Android et désormais même sur Steam. Pour les amateurs de vieux PC, le jeu est également présent dans le Sega Smash Pack 2 sorti en 2000.

Une lumière portable…
Au lieu de s’attaquer directement à une suite sur la console phare de SEGA, l’équipe Sonic! prend une autre approche avec le prochain titre de la série en visant la SEGA Game Gear, la console portable de la société nippone qui rivalisait avec le Game Boy. Difficile de savoir s’il s’agissait d’une décision de l’équipe, mais on devine que la compagnie mère devait exercer une certain pression afin d’avoir quelques titres de qualités sur son appareil “de poche”.
On rappelle que la Game Gear est une console 8-bits contrairement à sa grande sœur, la Genesis qui est une 16-bits. Ainsi, Shining Force Gaiden, sorti en 1992 et au Japon seulement, n’est pas vraiment pas aussi joli que le premier titre. Sous sa forme diminuée, il n’en demeure néanmoins un très bon jeu. L’essentiel y est. On note malheureusement l’absence totale de villages à explorer, que l’on remplace par un campement unique où l’on peut faire ses emplettes en suivant quelques menus. On y retrouve heureusement le même type de combat qui ont fait la renommé de Shining Force, une direction artistique inchangée et même quelques visages familiers. C’est que l’histoire se déroule 20 ans après le premier jeu. On y rencontre donc plusieurs acteurs important du premier titre et dans plusieurs cas leurs enfants, qui font même partie de notre équipe. Un incontournable donc si vous voulez tout savoir de cette saga épique !
Comme je le disais plus tôt, le jeu sous sa forme originale n’a jamais vu le jour en Amérique ou même en Europe. On retrouve cependant un remake de Shining Force Gaiden sur SEGA CD sous la forme du Book 1, le premier chapitre de Shining Force CD. Je reviendrai sur la version CD vers la fin de l’article.
Le jeu a également pris la forme de Shining Force Chronicle, paru sur téléphone cellulaire non-intelligent en 2005 puis sur Android en 2011, toujours au Japon seulement.

… et sa suite !
Maintenant que l’engin Shining est fonctionnel sur Game Gear, pourquoi ne pas le réutiliser ? C’est donc moins d’un an plus tard que sort sur les tablettes japonaises Shining Force Gaiden 2. Et surprise, cette fois-ci le jeu fera son apparition sur le marché Nord-Américain (désolé, gentils Européens) ! Shining Force : The Sword of Hajya paraît donc enfin sur notre territoire en 1993.
Le deuxième jeu sur la console portable est extrêmement similaire au premier et constitue en fait une suite directe, se passant à peine 2 mois après la fin de Shining Force Gaiden. On aura toujours le même plaisir à y voir des personnages en référence aux autres jeux et, bien sûr, découvrir ce qui peut bien arriver aux héros de la Shining Force. Puisque c’est le seul Shining sur la console que l’on peut savourer de ce côté-ci du Pacifique, c’est un must have pour tout propriétaire de Game Gear.
On note d’ailleurs une différence importante pour la version nord-américaine. En effet, le niveau 3 des sortilèges Blaze et Freeze a été grandement modifié et crée un grand déséquilibre. En effet, la zone d’effet est agrandie et la puissance des sorts est telle que plusieurs personnages avec un bas niveau de points de vie peuvent littéralement se faire mettre hors d’état de nuire par une seule attaque.
Le jeu a subi le même traitement que le premier et se retrouve, lui aussi, sur Shining Force CD. Évidemment, on l’appelle le Book 2. Stupéfiant !
Et Shining Force Chronicle II ça existe ? Bien sûr ! Évidemment, juste au Japon encore ! Sur les mêmes plateformes, soit le bon vieux cellulaire et sur Android.

Retour à l’aventure sur Genesis
Ces trois premier Shining Force ont permis à Sonic! de bien forger la personnalité de la série et d’en maîtriser tous les aspects. C’est donc en 1993 au Japon et en 1994 partout dans le monde qu’arrive le tant attendu Shining Force II : The Ancient Seal sur Genesis. Et cette fois-ci, l’aspect aventure qui manquait cruellement lors du passage sur Game Gear est de retour en force.
Au lieu de se contenter de ramener l’exploration des villages sur notre chemin, on peut maintenant en plus se déplacer librement sur le territoire de Parmecia, où se déroule l’histoire du jeu, plusieurs années après les épisodes sur Game Gear. On peut donc revenir en arrière, scruter tous les recoins et, évidemment, découvrir des trésors cachés. Au menu des améliorations, on note la possibilité pour plusieurs personnages de débloquer une classe alternative lors de la promotion, qui s’effectue maintenant au niveau 20. Pour accéder à ces classes, on doit trouver les objets appropriés cachés un peu partout dans le jeu. Cet aspect débloque un éventail impressionnant de combinaisons qui donne encore plus de substance et de rejouabilité au titre. La musique est sublime et les graphismes dépassent ceux du premier Shining Force. Un vrai chef d’oeuvre et un jeu qui, à mon avis, vaut la peine à lui seul de se procurer une Genesis !
Pas de remake pour celui-ci, mais il est lui aussi disponible sur la Wii Virtual Console et la compilation Sonic’s Ultimate Genesis Collection.

Une symphonie sur CD
Une année, un Shining Force ! En 1994, la série fait son apparition sur SEGA CD sous le nom très original de Shining Force CD. Comme à l’habitude, nous devons attendre près d’un an avant de recevoir une version anglophone. Ne vous en faites pas, à l’inverse de plusieurs jeux sur la console, on n’abuse pas ici des capacités de lecture de vidéo de la console. Il ne s’agit donc aucunement d’un autre film interactif à la Night Trap. Fiou ! On profite plutôt de “l’autre” avantage d’un support numérique tel que le CD : l’audio pré-enregistré. La SEGA CD peut effectivement lire le contenu audio d’un disque (formaté comme un CD audio standard) pendant l’exécution d’un jeu. On choisit donc de donner une deuxième chance aux titres de la série qui n’ont pas eu la même chance que les autres au niveau sonore. Et graphique, maintenant qu’on y pense. Je parle bien sûr des 2 Shining Force Gaiden de la Game Gear.
Shining Force CD est séparé en 4 livres, les books. Je vous en parlais plus tôt dans l’article, les Book 1 et Book 2 sont en fait des remakes respectifs de Shining Force Gaiden et Shining Force : The Sword of Hajya. Le gameplay et l’histoire sont identiques, à l’exception de la puissance des magies de niveau 3 qui est de retour à la version japonaise de Gaiden 2 (si vous ne savez pas de quoi je parle, relisez la section sur Sword of Hajya plus haut). Bien sûr, les graphismes sont maintenant à la hauteur des autres titres de la série sur Genesis. C’est beau, beaucoup plus que sur Game Gear, mais on s’y attendait un peu. Le changement le plus frappant provient, comme je le mentionnais plus tôt, de la musique. Celle de la terrible puce sonore de la Game Gear est remplacée par une version symphonique, enregistrée avec un véritable orchestre. La musique de Shining Force a toujours été un point fort de la série, mais ce traitement est simplement grandiose. À des fins de comparaison, écoutez la musique originale d’intro de Sword of Hajya et comparez avec la version sur Shining Force CD.
Le Book 3 est quand à lui un tout nouveau chapitre exclusif à Shining Force CD et que l’on débloque après avoir complété les livres 1 et 2. L’histoire est une continuité des événements du Book 2. Il est nettement plus court que les autres, mais présente un niveau de difficulté beaucoup plus costaud qui saura plaire aux amateurs de la série.
Le Book 4 se débloque quant à lui lorsqu’on trouve le Museum Ticket caché dans le livre 2. Il s’agit d’un chapitre spécial dans lequel on doit affronter TOUS les boss des chapitres précédents. Un bon petit challenge !

Un dernier conflit portable
Bizarrement, en 1995 on retrouve un troisième et dernier titre sur Game Gear : Shining Force Gaiden : Final Conflict. Japon seulement, encore ! Et tout comme ses 2 petits frères, on n’y retrouve toujours pas d’exploration de village en dehors des combats.
Le gameplay est virtuellement identique aux 2 premiers titres, mais les graphismes sont nettement supérieurs. L’histoire du jeu a peu de lien avec Shining Force Gaiden 2, mais sert de pont entre les événements du premier Shining Force et de sa suite sur Genesis, Shining Force 2.
Puisqu’il a été développé après la sortie de Shining Force CD, Final Conflict ne se retrouve évidemment pas sur cette compilation. Il n’existe en fait aucune traduction officielle de ce jeu. Heureusement, il en existe une effectué par les membre de Shining Force Central et une patch est disponible sur RomHacking.
Ah oui. Shining Force Chronicle III. Cellulaire. Android. Japon.
Et c’est la fin ?
Bien sûr que non ! Dans la partie 2 je couvrirai les hauts, et les bas, de la continuation de la série sur SEGA Saturn. Également au menu, un changement de nom de l’équipe Sonic! et des tribulations qui les feront également changer de camps ! Évidemment, la série ne sera plus jamais la même !
Ne manquez pas ça et restez à l’affût pour la suite !