LJN, ou la médiocrité des jeux sous licences

Alors qu’avant nous n’avions que le Nintendo Power comme outil pour choisir un nouveau jeu, de nos jours, nous avons heureusement droit à une multitudes d’aperçus, de vidéos de gameplay, de fuites d’information et de critiques nombreuses pour nous aider à faire le bon choix. Ce manque d’accessibilité à l’information faisait par contre bien l’affaire de certains éditeurs. En utilisant un marketing alléchant pour le joueur, il était possible de vendre un nombre impressionnant de copies d’un jeu complètement nul. Puisque la pochette était très importante, on note parmi les tactiques commerciales l’apparition de vedettes, comme Fabio sur Ironsword: Wizards & Warriors II ou bien le plaquage d’une licence de film. Bien que certain jeux ont su bien s’en sortir, tel l’excellent Batman sur NES, la majorité sont des atrocités qui n’auraient jamais dû exister.
Finaliste dans la catégorie maître de la supercherie mais gagnant dans celle de la médiocrité, LJN est un éditeur bien connu des rétrogamers. Il est assez facile d’arriver à ses propres conclusions en ayant joué à 2 ou 3 de leurs titres. L’Angry Video Game Nerd a cependant été le catalyseur de la triste popularité que détient LJN dans les communautés sur le web. Il a en effet critiqué plusieurs de leur jeux, dont Back to the Future, Friday the 13th et Terminator 2: Judgement Day et utilise même ses propres termes pour nommer la compagnie, comme Laughing Joking Numbnuts. La traduction n’est pas pertinente.

Un nom “renversant”
Fondée en 1970 par Jack Friedman, la compagnie est d’abord un fabricant de jouets. Le nom LJN provient de Lewis J. Norman, ou Norman J. Lewis, ancien employeur de Friedmam et propriétaire de la compagnie de jouets du même nom. Quel génie, non ? Bien qu’investisseur au départ, il se retirera par la suite. Ses parts seront cédées à un investisseur chinois. C’est d’ailleurs littéralement la seule information que je peux vous donner par rapport à cet investisseur mystère.

Il est d’autant plus intéressant de constater que notre ami Jack est un être difficile à contenter, puisqu’il ne fondera pas une mais deux autres compagnies de jouets plusieurs décennies plus tard. La première, bien connue, était THQ, qui au départ ne faisait aussi que des jouets. L’autre, toujours existante, ce nomme Jakks Pacific (je vous laisser déduire l’origine du nom de celle-ci) et offre de multiples gammes de jouets sous licence comme les infâmes Plug It And Play TV Games. Ces appareils se branchent directement à la télévision et offre parfois des collections de jeux sous un même thème ou bien un seul jeu de qualité douteuse, comme celui-ci basé sur Walking Dead. Disons que monsieur Friedman est un entrepreneur, mais avec un sens des affaires un peu discutable.
Les années MCA
En 1985, MCA achète LJN dans le but de produire plus facilement des jouets basés sur les licences de films que la compagnie détient. Et ceci fonctionna tout de même assez bien. On voit ainsi apparaître des jouets basés sur Thundercats, E.T. et même Gremlins.

Ce n’est qu’en 1987 qu’ils se lancent dans la distribution de jeux vidéo, qui sont par contre développés par des studios externes tels qu’Atlus ou Westone Bit Entertainement. La même année, ils s’attaquent même au secteur éducationnel en mettant sur le marché une console nommée LJN Video Art System, qui offre des ateliers de dessins et coloriages ainsi que quelques leçons de sciences et de mathématiques. Évidemment, puisque la force de LJN était sa capacité à plaquer des licences sur n’importe quoi, on ne se surprendra pas que le marketing utilisait des mascottes bien connues comme Mickey Mouse. Je n’étais pas né à l’époque, mais je suis certain que si j’avais vu cette pub à la télé, je n’aurais définitivement pas demander à mes parents de l’acheter ! Et apparemment, la pub est à l’image de ce que la console offre, comme on peut le voir dans cette critique, où elle obtient même le titre de pire console de tous les temps !

Les années suivantes représentent une période très tumultueuse pour LJN. Elle fait controverse avec sa gamme de pistolets à eau motorisés Entertech, à l’aspect très réaliste. Trop réaliste. En effet, on dénote plusieurs allégations de vols de banques et autres crimes du même genre où les jouets ont été utilisés en substituts à de vrais armes. Suite à plusieurs cas assez troublants d’adolescents tués par des policier qui ont confondus des jouets avec des vraies armes, mais dont aucun n’était fait par LJN, la société modifie sa gamme Entertech pour n’utiliser que des couleurs fluos, éclatantes et moins réalistes.
Acclaim prend le contrôle

En 1988, ils absorbent Al’es, un autre fabricant de jouet. Ce ne sera par contre pas suffisant pour MCA, qui désire se séparer de cette division peu rentable et controversée. Disons qu’il est difficle de leur reprocher cette décision. En 1990, elle conclut une entente avec Acclaim Entertainement qui devient nouveau propriétaire de la compagnie. On se débarrasse totalement de la division de jouets pour se concentrer uniquement sur les jeux vidéo. Apparemment, la marque Evertech aurait été vendue pour près de 2 millions de dollars.

Mais pourquoi alors acheter cette compagnie au passée tumultueux ? Vous vous souviendrez peut-être de la petite ruse dont avait usé Konami avec sa division Ultra Games ? Si ce n’est pas le cas, vous pouvez consulter cet article pour vous rafraîchir la mémoire. C’est dans le dernier paragraphe, mais c’est tellement bon, pourquoi ne pas le relire au complet ? Tout ça pour dire qu’Acclaim voulait aussi pouvoir publier plus de 5 jeux par années et l’acquisition de LJN lui permettait de faire exactement cela. En bonus, ça lui évitait de faire atteinte à sa réputation en publiant tous ses jeux de qualité inférieure sous le label LJN.
Ce n’est qu’un au revoir ?
En tout, c’est plus d’une trentaine de jeux qui seront distribués par Acclaim sous le label LJN. La majorité de ses titres sont sur NES, mais on retrouve également des jeux sur GameBoy et Genesis/Mega Drive. C’est finalement en 1995 que le nom LJN est abandonné et incorporé sous la grande bannière Acclaim Entertainment. Bizarrement, le nom a refait surface sur Dreamcast en 2000 avec le jeu Spirit of Speed. Sans surprise, le jeu est un navet et on peut supposer qu’Acclaim a voulu éviter le plus possible d’y voir son nom associé.
C’est finalement en septembre 2004 qu’Acclaim mord la poussière et déclare faillite. Une tentative de résurrection a lieu en 2006, mais connait le même sort. L’avenir s’annonce par contre plus rose pour le nom Acclaim, puisque nos partenaires et amis de CollectorVision ont très récemment relancé la marque sous la bannière Acclaim Entertainment / Montreal Studio. Verra-t-on la même chose se produire avec LJN ? Mon petit doigt me dit que c’est bien possible !