L’avènement du support CD, partie 1 – La folie des add-ons !
Vous l’avez peut-être déjà vu, mais aujourd’hui très exactement la version Japonaise de la première PlayStation fête ses 20 ans ! Pour souligner l’occasion, quoi de mieux qu’une Rétro’spective qui relate la petite histoire de l’utilisation du disque dans les consoles de jeux ? Deux Rétro’spective sur le sujet, bien sûr !
Je vous propose donc cette semaine la première partie, qui relate les premiers balbutiements des consoles offrant le support de ce qu’on appelait couramment à l’époque des CD-ROM car avouons-le, plus personne ne dit la partie ROM de nos jours ! Je poursuivrai ça dans 2 semaines, avec un survol de la génération qui mis définitivement fin à la domination du support cartouche sur vos consoles de salon.
La PC-Engine, le… moteur de PC ?

Déjà bien établie avec des titres tels que Bomberman et Adventure Island, Hudson Soft approche Nintendo vers la fin des années 80 avec un concept de console pour remplacer la Famicom (la NES japonaise), qui commence à prendre de l’âge. Malheureusement pour Hudson, Nintendo décline l’offre et laisse le développeur en plan. Ne s’en laissant pas imposer, ils se tournent plutôt vers NEC, fabricant de semi-conducteurs et dominant nippon dans la fabrication d’ordinateurs personnels, qui se montre beaucoup plus intéressé et signe immédiatement un partenariat avec Hudson Soft. C’est ainsi que naît, en octobre 1987, la PC-Engine, munie d’un processeur 8-bits allié à un duo de processeurs graphiques 16-bits. Elle utilise un format de carte propriétaire nommé HuCard comme support physique pour les jeux. Il s’agit d’une console très compétitive, qui offre de bonnes performances, autant au niveau de la puissance de la machine qu’au niveau des ventes japonaises. Une version américaine voit également le jour, mais change de nom et devient TurboGrafx-16.
Surfant sur la vague et désirant détrôner Nintendo, NEC décide de s’aventurer encore plus loin et offre, à peine un an plus tard, un adaptateur qui annonce une grande révolution de l’industrie, le très simplement nommé CD-ROM au Japon, et TurboGrafx-CD en Amérique. Il s’agit bien évidemment d’un périphérique qui permet de lire des jeux sur format disque, qui offre plus d’espace de stockage et, plus important encore, coûte beaucoup moins cher à produire que les HuCard. C’est donc la toute première fois qu’une console, que ce soit à l’aide d’un add-on ou non, offre la possibilité de jouer des jeux CD. Le succès de cet adaptateur au Japon est tel qu’il devient éventuellement partie intégrante de la console, avec la sortie du PC Engine Duo dès 1991. Les ventes détrônent celles des consoles de SEGA et de Nintendo. Malheureusement, ce succès ne traverse pas les frontières de l’archipel et les ventes Américaines sont plus que décevantes, principalement causées par un marketing déficient et un manque de confiance quant au marché de la part de NEC. Pour ce qui est de l’Europe, elle ne se distribua jamais d’un réseau de distribution officiel. On en retrouve quelques exemplaires sur le marché en France grâce à la société Guillemot International qui décide de créer la Société de Distribution de la PC Engine (ou Sodipeng).
Il existe d’ailleurs une multitude incroyable d’autres add-on et variations pour cette console, comme le Arcade CD-ROM qui ajoute de la mémoire RAM, le SuperGrafX qui offre, sur papier, plus de puissance et même une version portable, la TurboExpress (ou PC-Engine GT pour la version japonaise). La PC-Engine profite ces temps-ci d’une certaine hype auprès des collectionneurs, qui reconnaissent les qualités indéniables de la console. Elle n’est par contre pas donnée et choisir un modèle peut s’avérer ardu !
L’Amiga… euh Commodore CDTV

De son côté, Commodore n’a vraiment plus le vent dans les voiles comme ce fût le cas dans les années 80. Au lieu d’attaquer directement le marché des jeux, elle décide de mettre en marché le Commodore CDTV dès 1991. Il s’agit d’une plateforme multimédia équipée d’un lecteur CD et qui agit en tant que tout-en-un multimédia : musique, vidéo, jeux et ordinateur personnel, le tout présenté sous un format ressemblant à celui d’une chaîne stéréo haute fidélité. On croit, à l’époque, qu’il y aura une explosion de demande pour ce type d’appareil auquel on peut attacher plusieurs périphériques standards comme un clavier, une souris et un moniteur. Cela ne se matérialisera jamais. En plus de cibler un marché fantôme, le Commodore CDTV est en fait un ordinateur Amiga 500+ (aussi manufacturé par la société Commodore) muni d’un lecteur CD, offert pour 999$US. En vrais champions du marketing, ils plantent le dernier clou dans le cercueil du CDTV en sortant moins d’un an plus tard l’Amiga A570 qui permet, pour 300$, d’ajouter à tout ordinateur Amiga 500 existant, les fonctionnalités de lecture optique et de comptabilité avec le format de jeu CDTV.
Un piège dans la nuit

En réplique à NEC, SEGA désire également offrir le support du CD pour sa console Mega Drive (connue sous le nom de Genesis ici), sortie tout juste quelques semaines avant le coup d’éclat du CD-ROM de la PC-Engine. C’est donc pour cette raison qu’ils se mettent immédiatement sur le développement du Mega CD avec l’aide de JVC. C’est en décembre 1991 qu’il fait enfin son apparition sur le marché Japonais, alors que son petit frère nord-américain, le SEGA CD, sort près d’un an plus tard. Tout comme pour la PC-Engine, il s’agit d’un périphérique qui s’ajoute à la console originale afin d’ajouter le support pour la lecture de jeux sur disques. Celui-ci ajoute au passage un peu de puissance au niveau du processeur. Rien de révolutionnaire, mais mieux que rien ! Sans oublier qu’elle permet maintenant la lecture de vidéos en intégral, souvent abrégé sous l’acronyme FMV (Full Motion Video). C’est d’ailleurs cette fonctionnalité qui permet à la compagnie Digital Pictures de lancer le jeu Night Trap, qui lui aussi est à l’origine d’une révolution dans l’industrie.

En effet, Night Trap, est au cœur d’une controverse sur l’ultra violence, la sexualisation et l’abus de la femme dans les jeux vidéo. Cela mènera éventuellement à des audiences publiques où le jeu, ainsi que Mortal Kombat, Lethal Enforcer et Doom sont utilisés à titre d’exemples pour poser des questions quant à où devrait-on tracer la ligne par rapport au sang, aux meurtres et autres scènes de violence dans les jeux vidéo. Il faut comprendre que le but du jeu dans Night Trap, contrairement à ce que les politiciens de l’époque affirment et argumentent, n’est pas du tout d’emprisonner des femmes afin d’en abuser. Le jeu est effectivement un peu difficile à comprendre au premier regard, mais le joueur doit au contraire surveiller un édifice attaqué par des vampires et dans lequel se trouve un groupe de femme. Le but du jeu est de tendre des pièges aux assiégeants afin de sauver le plus grand nombre de femmes possible. Une scène prise hors contexte où l’une de ces femmes peut être vue en nuisette sema d’ailleurs particulièrement d’émoi. Bien qu’au final Night Trap bénéficiera d’une certaine publicité dans l’affaire et fera éventuellement son chemin sur d’autres consoles, le résultat de ces audiences donnera naissance au premier organisme d’auto-réglementation et de classification de contenu pour les jeux vidéo en Amérique du Nord, le ESRB (Entertainment Software Rating Board), l’équivalent de notre Régie du cinéma qui attribue des catégories d’âge pour chaque jeu distribué sur son territoire.
Les partenariats (ratés) de Nintendo
Parallèlement à tout ça, Nintendo veut évidemment aussi profiter de la vague du nouveau support optique et a même tenté d’être pionnière en la matière. En effet, dès l’époque du Famicom, Nintendo cherchait à régler les problèmes reliés au supports magnétiques puisque, rappelons-le, la compagnie offrait au Japon un lecteur disquette pour sa première console de salon. Pertes de données, piratage, réécriture accidentelle, le CD était la solution à tout. Elle cherche, tout comme SEGA, à se trouver un partenaire qui saura développer la technologie appropriée. L’intérêt est donc au rendez-vous lorsqu’un projet développé conjointement entre Sony et Philips, nommé le CD-ROM/XA, est révélé publiquement. Il s’agit d’une extension à la norme CD-ROM qui permet un accès simultané aux données compressés de vidéo, d’audio et de contenu.

C’est par contre un employé de Sony, Ken Kutaragi, qui approche Nintendo avec la technologie, complètement on the side, sans l’approbation de ses supérieurs. Lorsqu’il est découvert, une démonstration convaincante à l’aide d’un prototype impressionne le PDG de Sony, Norio Ôga. C’est donc ainsi qu’un contrat est signé en 1988 pour que Sony développe le SNES CD, un add-on pour la lecture de disques sur le Super Nintendo. De plus, Sony peut développer de son côté une console qui intègre les fonctionnalités existantes de la SNES avec celles de lecture optique. Quelques années plus tard, après relecture du contrat, Nintendo décide de mettre fin à l’entente puisque Sony obtiendrait trop de droits sur le nouveau format et, surtout, sur chaque jeu distribué sur celui-ci. Encore pire, Nintendo les poignarde directement dans le dos et annonce un partenariat avec l’autre développeur du CD-ROM/XA, Philips, et ce une journée après que Sony ait annoncé leur prototype fonctionnel de console supportant les jeux SNES cartouches et le nouveau format SNES CD. Et quel était le nom de ce prototype ? La Play Station, en deux mots. Devinez ce qu’il en adviendra !
Revenons cependant à l’entente avec Philips. Puisque le CD-i était déjà en développement entre les murs de la société néerlandaise, Nintendo octroie des licences pour y développer un certain nombre de jeux basé sur ses propriétés intellectuelles. En échange, Philips devra développer le fameux périphérique de lecture de CD pour la SNES. Vous avez déjà vu ce périphérique ? Évidemment non, car Nintendo abandonna éventuellement le projet. Philips ne perd cependant pas les droits acquis lors du contrat, mais je vous en reparle plus tard !
Nintendo reste extrêmement amer face à toute cette saga. Les liens avec Sony et Philips resteront toujours houleux, même si, hier, Nintendo faisait la paix avec Philips dans un autre dossier.
Même les cordonniers s’y mêtent

En 1992, on voit apparaître dans les magasins RadioShack un système similaire au Commodore CDTV. Tandy Corporation, humblement fondée par 2 cordonniers en 1919 et maintenant géant détenteur de RadioShack et Memorex, met en effet sur le marché le Video Information System, souvent abrégé sous l’acronyme VIS. Il s’agit donc également d’un système multimédia, pouvant lire musique, vidéo et jeux dont la base est fondée sur un ordinateur. Particularité intéressante du VIS : le système d’exploitation utilisé est développé par Microsoft et est distribué sous le nom de Modular Windows. Il s’agit de la toute première version de Windows pour systèmes embarqués, et est donc le père de Windows CE et, plus récemment, Windows RT. Le système ne fut par contre utilisé par aucun autre appareil, même si une version 1.1, incompatible avec le Tandy VIS, fut développée par Microsoft.
Le VIS n’offre absolument rien de nouveau et s’adresse à un marché qui, comme mentionné plus tôt, ne prendra jamais son envol. Il tombe donc dans l’oubli.
Zelda, massacrée
Il est maintenant temps de faire un retour sur Philips ! Comme mentionné plus tôt, lors de la signature du contrat du add-on CD pour la Super Nintendo, Philips avait déjà entamé le développement de la CD-i. Alors qu’est-ce que c’est que cette fameuse console ? En fait, ce n’est pas une console, mais… encore un maudit système multimédia ! La différence ici est que l’on offre plusieurs modèles, visant l’utilisation personnelle, professionnelle ou bien éducationnelle. Son point fort consiste à offrir la lecture de vidéos FMV d’une qualité supérieure à celle de la SEGA-CD. Il n’en reste pas moins qu’en tant que console de jeu, la qualité n’est pas au rendez-vous.

La CD-i est tristement célèbre auprès de la communauté des rétrogamers. Pour faire un petit rappel, Phillips avait auparavant obtenu les droits d’utiliser des propriétés intellectuelles de Nintendo pour développer des jeux sur sa console. Puisque Nintendo n’avait aucun droit de veto sur ces jeux, Philips a pu exploiter les licences en produisant des jeux de qualité médiocre, sans aucune redevance. C’est ainsi que naissent Hotel Mario, Link : The faces of Evil, Zelda : The Wand of Gamelon ainsi que Zelda’s Adventure. Tous ces jeux souffrent de graves problèmes de réactivité au niveau des contrôles, de fluidité et, surtout, de segments FMV de qualité incroyablement médiocre. Voyez par vous même. Ironiquement, la faible quantité de copies vendues alliée à des noms comme Mario et Zelda ont fait grimpé le prix de ses jeux et de la CD-i, qui sont prisés des collectionneurs.
La CD-i fut un tel désastre marketing que Philips y aurait perdu près d’un milliards de dollars. Il va s’en dire que la société quitta à tout jamais le marché du jeu vidéo.
Le système le plus cher sur le marché… et son clone !
En 1993, Pioneer entre elle aussi sur le marché du jeu vidéo. Au lieu de se battre contre les géants déjà établi, la société japonaise utilise une stratégie complètement différente avec son système multimédia LaserActive. Oui, un autre ! Outre la possibilité de lire des CD, elle supporte également le vieux format de disque, le LaserDisc (LD-ROM), qui servit de fondation à tous les formats de disques optiques et dont Pioneer était l’un des instigateurs. Mais la plus grande particularité de la console provient de son approche modulaire.

Par exemple, le module SEGA PAC, le plus populaire, permet le support des disques de karaoké standards (CD+G), des jeux de Genesis et de SEGA-CD ainsi que d’autres distribués par Pioneer sur format Mega LD. Disons par contre que populaire est relatif, puisque ce module se vend à un prix exorbitant de 600$, qui s’ajoute au prix initial de la console qui frôle les 1000$. Au moins, ça vient avec une manette Genesis ayant le logo Pioneer écrit en lettres dorées dessus ! En perspectives, on peut obtenir une Genesis avec le module SEGA-CD pour moins de 500$.
Trois autres modules sont disponibles pour la console. Le NEC PAC permet le support des jeux de la PC-Engine sous format HuCard, CD et LD-ROM. Il vient avec une manette et s’étiquette lui aussi à 600$. Le module Karaoke PAC permet la lecture des disques LaserKaraoke et offre 2 microphones reliés à un panneau de contrôle. Prix de détail : 350$. Le dernier module, le Computer Interface PAC, s’adresse aux plus dégourdit et permet le développement d’applications maison. Je ne trouve malheureusement pas le prix de ce dernier module, mais je crois qu’il est sain d’estimer un autre 300$.
Faites le calcul du système complet. Inutile de vous expliquer d’avantage pourquoi le système fut un échec commercial.

Pourtant, cela n’a pas empêché NEC d’offrir son clone de la machine ! Elle met donc en vente un système et des modules virtuellement identiques, mais qui ne sont pas inter-compatibles avec le système original de Pioneer.
Aurait valu mieux jamais que tard !

La dernière console de quatrième génération (toutes les consoles traités ici font partie de cette génération) à offrir une mise à jour vers le disque optique fut la Neo Geo CD de SNK, sortie en 1994. Utilisant les mêmes composants internes que les versions arcade (MVS) et console (AES) de la Neo Geo, elle offre évidemment la lecture de musique audio et le support de jeux sur format CD standard et vient avec une manette plus classique au lieu du stick style arcade du premier modèle. Le grand problème de cette console, cependant, réside dans la vitesse de lecture du lecteur optique. En effet, celui-ci n’atteint pas des vitesses supérieur à 1x (le minimum requis pour lire un CD audio). Les chargements peuvent donc prendre de 30 à 60 secondes, dépendamment du jeu.
SNK a tenté de régler le problème en offrant un modèle révisé aux consommateurs japonais, le Neo Geo CDZ. Alors qu’on penserait logiquement que la vitesse de lecture a été améliorée pour au moins atteindre 2x, elle demeure identique à la première version. Cependant, la console posséderait un meilleur moteur mais surtout une plus grande mémoire cache, ce qui permet tout de même d’accélérer les temps de chargement. Cependant, ce modèle est mal ventilé et peut surchauffer, ce qui endommage la console. Difficile à réparer, elle ne représente donc pas vraiment un pas en avant et ne suffira pas à faire de la console un succès commercial.
Dans 2 semaines, on continue les festivités des 20 ans de la PlayStation et nous attaquerons la cinquième génération de consoles, où le CD prend sa place définitive dans l’univers de consoles de salon.
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